Critics
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Anne MalherbeCommissaire d’expositions, historienne de l’art
L’atelier de FAZ est un monde de blancheur. De grands morceaux de polystyrène, que l’artiste récupère sur des chantiers, y attendent le moment de leur métamorphose. D’autres, au contraire, ont déjà été soumis aux gestes de l’artiste et s’animent d’ondes, de souffles, de reliefs légers ou denses.Par un travail qui n’appartient qu’à elle, telle une danse intuitive de l’outil dans l’épaisseur du matériau, FAZ les transforme en Haikus. Parfois une coulée d’or les répare et ils se font Kintsugis.
Récemment, la nouvelle série des Lunes a fait son apparition.. Le matériau industriel se change ici en disques de dentelle. Il y en a d’ailleurs de tailles variées : l’astre se déploie dans toute la puissance de son symbole. On sait la richesse mythologique de la Lune et toutes les significations que les civilisations anciennes lui ont associées : renaissance, fécondité, cycle des saisons, féminité… Pour en exalter chaque nuance, FAZ a choisi d’en présenter certaines dans leur matériau initial, le polystyrène, transfiguré par la feuille d’or, tandis que d’autres sont éditées en bronze, révélant une patine à chaque fois différente. Pour ces dernières, il a fallu que le fondeur adapte son travail à la finesse des perforations : la multiplicité de ce symbole n’a d’égale, en effet, que la précision chirurgicale du travail de l’artiste. Cartographier la surface de la Lune, en réinventer les cratères, en plisser les reliefs, c’est aussi explorer ce territoire dont la conquête spatiale n’a pas épuisé l’imaginaire. Car la Lune symbolise aussi notre monde intérieur : la rêverie, le songe, la création. Elle évoque notre attirance pour l’occulte et le mystère. En travaillant ses Lunes tel un ouvrage de dentelle, FAZ parcourt ses propres mondes intérieurs. Elle en détaille les aspérités et les douceurs. Elle fait vivre ce que la Lune, médiatrice de nos aspirations, réveille en nous d’élévation intérieure, de spiritualité. La Lune est un astre qui nous est intime, que nous portons en nous autant que nous le contemplons. C’est peut-être pourquoi l’artiste a eu l’idée de le réduire aussi à la taille d’un bijou : bronze et or, bronze et argent… ce sont toutes les phases – FAZ – de la Lune que nous sommes invités à ressentir dans leur intensité.
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FAZ’s workshop is a world of whiteness. Big pieces of polystyrene, which the artist retrieves from construction sites, await the moment of their metamorphosis. Others, on the contrary, have already been modelled by the artist’s hands and take the shape of wavelets, breezes, light or high reliefs. Through a move that only belongs to her, like an instinctive dance of the tool in the thickness of the material, FAZ transforms them into Haikus. At times, a golden flow mends them and they become Kintsugis.
Recently, the new series of the Moons has come to light. The industrial material changes into lace disks. There are of various sizes, thus revealing the power of its symbol. One knows the mythic significance of the moon and all the meanings given by ancient civilizations: rebirth, fecundity, cycle of seasons, womanhood … In order to sublimate each nuance, FAZ has chosen to present some in their original material, polystyrene, transformed by the golden leaf, whereas others are made of bronze, revealing a burnish that makes each sculpture different. For the latter, the art caster had to adapt his work to the thinnest of perforations: the many facets of this symbol meet the surgical precision of the artist’s work. Mapping out the surface of the Moon, reinventing its craters, folding its reliefs, it’s also exploring this territory whose space conquest has not exhausted the imagination. Because the Moon is also a symbol of our inner world: daydreaming, fantasy, creation, it suggests our attraction for the occult and mystery. Crafting her moons like lace patterns, FAZ travels through her own inner worlds. She scrutinizes their roughness and smoothness. She shows us how the Moon, giving birth to our yearnings, elevates us and awakens our spirituality. The moon is a star that is intimate to us, which we carry inside ourselves and which we contemplate. This may be the reason why the artist got the idea of reducing it to the size of a jewel: bronze and gold, bronze and silver… These are all the Phases of the Moon which FAZ invites us to experience in all their intensity.Anne Malherbe, Art Curator, Art Historian
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Isabelle de Maison RougeHistorienne de l'art, Critique d'art
Les nouvelles sculptures de Faz, d’un blanc nacré très doux évoquent les plis sensuels d’un tissu perlé. Voile légère poussée par la brise, rideau aérien abritant des formes inconnues, écran opaque masquant la réalité pour la rendre plus poétique… cacher pour mieux montrer… ne rien révéler … laisser deviner. “Il y a le réel et l’irréel. Au-delà du réel et de l’irréel, il y a le profond” écrivait Montherlant. Tel un rideau de scène qui masque la vraie vie et donne à voir un actefact, à moins que ce ne soit le contraire !
Ce travail sculpté en résine évoque également un processus de sédimentation, le lent travail que fait le temps par la tectonique des plaques sédimentologie, plaque de subduction. « La profondeur, disait Nietzsche, se cache parfois à la surface des choses. ». Accumulation des âges, empilement des époques, enfouissement de notre mémoire, superpositions de souvenirs et sensations, ces sculptures sont évocatrices du patrimoine culturel et naturel de la Terre, celle des hommes.
La surface de ces plaques immaculées s’émeut sous le souffle qu’elle perçoit, comme l’eau sous le baiser du vent. Et la matière recueille en relief ces murmures qu’elle garde en mémoire comme l’épiderme le plus sensible, comme le rappelait Paul Valéry « Ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, c’est la peau. » Dans la blancheur du matériau s’impriment les écrits du vent, traces, cicatrices ou marques de tendresse.
Et Faz reprend à son compte les mots du poète américain Walt Whitman :
« Avez-vous sérieusement pu penser une minute que toutes ces lignes verticales, courbes et angulaires, ce semis de petits points figuraient les mots en question ? Détrompez-vous, les mots substantiels se trouvent au fond du sol et de l’océan, Au fond de l’air, au fond de vous. »
This work, sculpted in resin also evokes a sedimentary process, the slow work of time made by the tectonic plates, subduction plates. « Depth , Nietzche said, sometimes hides on the surface ». Ages accumulating, eras piling up, unfathomed deeps of our memory, strata of reminiscences and sensations. These sculptures bring forth the cultural and natural heritage of the earth, that of humankind. The surface of these immaculate plates is stirred by the breath it senses, like water under the kiss of wind. And the matter registers the shapes of these whispers that it keeps in memory, like the most sensitive epidermis, as Paul Valery reminds us “What is most profound in a man is its skin”. In the whiteness of the material is printed the written word of the wind, traces, scars or tender marks.
And Faz recalls Walt Whitman: « Could you imagine just for a minute that all these vertical lines, curves and angles, these tiny dotted seedlings, represented the very words? Not so, the substantial words are at the bottom of the soil and of the ocean, at the bottom of the air, at the bottom of yourself. » -
Colette CollaGallerist, Univer Gallery
Les sculptures de FAZ, formes blanches ou noires plissées, flottent comme des « leitmotivs » dans l’espace. Les ondulations tracées dans la matière évoquent la force douce et lente des plis de la terre, l’onde aquatique en mouvement, les déserts de sel, le plis d’une nappe de neige après la tempête, ou encore les cristaux de glace emprisonnés dans la roche.
FAZ sculpte à l’intérieur même de la matière polystyrène, par stries et rythmes. Une oeuvre sensible, raffinée et brute dans laquelle le regard se perd comme pour chercher la plénitude et le silence.
FAZ’s sculptures, white or black creased shapes, float like recurring themes in space. The waves marked in matter suggest the slow and smooth strength of the earth, the moving surf, the salt deserts, the folds of a snow blanket after the storm, or ice crystals trapped in rock. Faz sculpts inside the very polystyrene, through ribs and rhythm. Sensitive work, at once refined and rough in which one is lost, eyes searching for silence and serenity.
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Pascal BrucknerPhilosopher
Un haïku vise à dire l’évanescence des choses. Il traduit une sensation, il est une sorte d’instantané, il contient une référence à la nature, il incite à la réflexion. Il restitue la physis en l’effleurant de quelques syllabes. 5, 7, 5. Trois vers, tout est dit.
Chez FAZ, il a fallu plusieurs années pour glaner l’aliment sensoriel nécessaire à la série Fluidité et pour lui modeler un 5, 7, 5, c’est-à-dire une forme accomplie. Comme pour un haïku, tout se passe en apesanteur. C’est un souffle, une onde d’ingéniosité portés par une sensibilité heureuse. Si être heureux est savoir recevoir la générosité de la nature. Et mieux : la transmettre.
The aim of a Haiku is evanescence. It translates a perception, it captures an instant, it’s a reference to nature, it leads to reflection. It restitutes physis with the touch of three syllables 5, 7, 5. Three verses, all is said. For FAZ, several years were necessary to collect the sensuous matter necessary for the series « Fluidité », and to mold it into a 5,7,5, that is to say an achieved form. As for a Haiku, everything is weightless, it’s a breath, an inventive wave inspired by an inclination to happiness. If being happy means to know how to welcome nature’s generosity. Better yet, to pass it on.
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Christian GattinoniCurator, editor in chief of lacritique.org
Grâce à l’élégance de ses matériaux comme à l’épure de ses lignes, FAZ tente une alchimie contemporaine des passions.
Faz is woman with her head as with its heart. The hearts it makes them turn in its sculptures which play of the twinge and an energy setting in motion following of helicoid borrowed from chemistry. What it carves it is before all the relation, not the woman as a subject, but its links with its history, its sensitivity. As a man his works suggest the interlacing, they require the combined effort of the shoulders and of the front armlevers without recourse to the force, it is it which controls it, but with a participation in empathy. For the women these works do not want to be only mirror, they convene their sensitivity in a solidarity of requirement in research of maternity. Thanks to the elegance of its materials as to the diagram of its lines Faz tries a contemporary alchemy of passions.
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Matthieu CorradinoCritique d'art
Ses sculptures gestuelles, réalisées d’abord au fil chaud dans le polystyrène, portent la trace d’une danse par laquelle elle mime les mouvements de la nature. Certaines révèlent avec une étonnante clarté que, dans son secteur inorganique, la nature se meut de façon ondulatoire, répétitive, par saccades. Pourtant toutes ces réitérations ne sont pas en tout point identiques, puisqu’elles ont chacune leurs détails propres, qui les rendent discernables de toutes les autres. Elles sont donc toutes pareilles – si on veut – mais « pareilles autrement » : eadem sed aliter.Tout se passe donc comme si la nature, même dans ses régions inanimées les plus monotones, manifestait une inépuisable énergie créatrice, novatrice : sous le couvert d’une universelle répétition, l’œil décèle des points de singularité, qui ne sont et ne seront jamais identiques à d’autres. Cette création continue qui nous environne, Faz le capte dans ses sculptures, mieux que nos yeux ne peuvent le faire dans la nature, puisque, en en fixant l’empreinte dans la pâte inaltérable du polystyrène, elle la présente, immobilisée, à notre réflexion : à une pensée qui dispose d’un temps plus long pour la méditer.
Faz works in Paris. Its gestural sculptures, carried out initially with the hot wire in polystyrene, carry the trace of a dance by which it mimes the movements of nature. Some reveal with an astonishing clearness that, in its inorganic sector, nature is driven in an undulatory way, repetitive, by jerks. However all these reiterations are not in any point identical, since they have each one their own details, which make them discernible of all the others. They all are thus similar – if one wants – but “similar differently”: eadem sed to confine to bed. All thus occurs like if nature, even in its inanimate areas most monotonous, expressed an inexhaustible creative energy, innovative: under the name of a universal repetition, the eye detects points of singularity, which are not and will be never identical to others. This creation continues which surrounds us, Faz collects it in its sculptures, better than our eyes cannot do it in nature, since, by fixing some the print in the inalterable paste of polystyrene, it presents it, immobilized, with our reflection: with a thought which has a longer time to contemplate it.
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Susan Smith"Savoir-Faire" Curator
Je déplace les blocs de polystyrène dans l’atelier; des Ijbergs*, blocs informe de glace d’eau douce. Je les dérive et les bascule un à un sur la grande table d’architecte, matrice des formes à venir. Je trace sur les tranches des sinusoïdes fluorescentes, algues dansantes sur glace. Les hachures, les croix, les flèches, les ronds, les barres et autres traits prévisibles font émerger les premières indications des découpes.
2ème étape : Je lâche le feutre et de la main je contrôle les inflexions que je veux transmettre au bloc. Je glisse, je rythme et je scande. Ondulé jusqu’à là… rapide. Lisse ensuite, jusqu’ici… très lent dans le vol… Une barre comme la marque d’une frontière… Je m’arrête. Onduler encore…. mais très, très lent, millimètre par millimètre. Ici le fil va frôler la surface, très rapidement, attention à bien rester immergé. Là, le fil va couler à l’intérieur du bloc et se détendre comme une caresse précise. Puis je glisse très vite sans interrompre le geste jusqu’à son terme. Je tourne autour du point final pour infléchir et regrouper les dernières ondulations pour insuffler au mouvement sa propre vibration.
Dernière étape : Le fil se libère du bloc comme un au revoir. Pendant ces étapes, je marie les paramètres : vitesse, amplitude, chaleur et taille du filament pour écrire ma propre nomenclature des formes qui sortent de mes mains. Je tente de maîtriser au plus juste les jeux internes de l’érosion du bloc. Mon savoir est dans la masse submergée.
Vient le temps attendu de la séparation. Les volumes résistent, délicatement je les fais vibrer, je les tire énergiquement et finalement, toujours dans un petit craquement sec, je les arrache l’une à l’autre.
Surprise et redécouverte de mes gestes, mentalement je refais le parcours du fil sur les courbes comme une relecture d’un manuscrit, je reconnais mes lenteurs, mes arrêts et mes accélérations maîtrisées.
La lumière zénithale coule enfin sur les surfaces. Les courbes fabriquent leurs gammes de gris et de blanc,et le blanc devient perle rare. C’est de l’eau, c’est de la matière, c’est de la lumière, le temps se fige pour imprimer sa signature éphémère.
Ijbergs*: néerlandais de iceberg
Moving the polystyrene blocks in the studio, ljbergs*, shapeless soft water blocks. Diverting them and rocking them one by one on the great table, matrix of shapes to come. Tracing fluorescent sinusoids on its edges, seaweeds dancing on ice. Hatchings, crosses and arrows give the first hints of the cutouts, Second step: I drop the felt pen and my hand controls the inflexions I want to give to the block. I slip, I pace, and I scan. Undulating up to there… quickly. Smoothly then, up to here … very slowly in flight… a bar like the line of a border … I stop. Still undulating … but very, very slowly, inch by inch. Here, the wire is going to brush the surface, very quickly: beware, it should remain immersed. There, the wire is going to flow into the block and loosen up like a precise stroke. Then, I very quickly slip without interrupting the motion until it stops. I turn around the full stop to inflect and group the last undulations in such a way that the motion breathes with its own vibration. Last step: the wire sets free from the block like a good bye. During these stages, I cross the parameters, the speed, amplitude, heat and size of the filament in order to write my own inventory of the shapes coming out of my hands. I try to control as accurately as possible the internal erosion of the block. My knowledge is in the immersed part. Comes the expected moment of parting. The parts resist, I gently make them vibrate, I pull them with energy and I finally crack them open, pulling them apart from each other. My motions are a discovery, a surprise. Mentally, I trace again the path of the wire on the curves, like reading a manuscript. I recognize my slow motions, my stops and my accelerations. The zenithal light pours over the surfaces. The curves create their ranges of gray and white and the white becomes a gem. It is water, it is matter, it is light, time freezes to imprint its ephemeral signature.
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Véronique Périnfor "Vivre au féminin". Summer 2005
Immediately the glance is captive and dances on the sensual curves of these monumental sculptures, swallows beautiful energy and releases itself some. The hand is tightened for a caress, naturally. The women of FAZ offer to the women the mirror of a maturity which they are unaware of often and with the men that of their mystery. Sublimated paradox of roundnesses which are offered and the secrecy which is concealed. The disorder which emerges some is subtle and voluptuous. It invites to a trip in the middle of femininity, its full and its untied, its luminous brittlenesses, its unsuspected forces. The twenty sculptures exposed in the Orangery of the Senate have the force and the obviousness of a source which spouts out with the sun after a long underground course. With Them, FAZ created a universe with it which resounds very extremely in us.